You Go Now

Dead Air For Radios a été pour moi une fulgurante révélation, et plus intense encore a été This Is A Recording, compilation de démos parmi lesquelles figurent les plus belles chansons de Kevin Moore. You Go Now a donc tout naturellement été un achat prioritaire lors de sa sortie. Plusieurs semaines après sa commande, je ne comprenais pas ce disque, lourd, trop court, trop abstrait et facile.

Aujourd'hui j'ai du mal à réaliser le poids du bulldozer émotionnel qui m'est passé dessus. Cet album est moins accessible que Dead Air, moins "ethereal" et universel que Recording, mais il EST Chroma Key des dialogues et des bruitages à volonté, un son énorme, des basses doublées voire triplées ("Astronaut Down"), une voix fragile et délicate mais toujours posée, et surtout des mélodies et un sens du détail hors du commun. Passer en revue les différentes pistes semble ridicule tant cet album est homogène mais après tout il faut bien mourir jeune ! ;-) :

Une précision avant : si vous trouviez déjà (à raison) que Dead Air ne faisait pas vraiment partie du monde progressif, You Go Now s'en éloigne autant que faire se peut...

GET BACK IN THE CAR : Une chanson groovy à souhait, bien que son tempo soit très lent. La mélodie est très monocorde (une constance dans cet album) et pourtant très rapidement accrocheuse (entendez par là mémorisable et entêtante). A tempo lent, progression lente, et après 3 minutes bien chargées et pourtant remplies d'"espace", une voix au Vocoder retentit, donnant au tout un aspect carrément planant, renforcé par les paroles abstraites et pourtant facilement identifiables ("forget...what you don't know yet..."). Une introduction d'autant plus irrésistible que le rythme lancinant vous rentre véritablement dans le corps (mixage impressionnant mélangeant chaleur de l'analogique et densité du numérique).

ANOTHER PERMANENT ADDRESS : Tube numéro un. Une très jolie et poppy progression d'accords, un son chaud, une mélodie vocale parfaitement évidente et adorable, un refrain complètement Radiohead dans son approche, APA est un tube fait maison par Kevin et sa sortie en "véritable" single se doit d'aboutir, le contraire serait un vrai sacrilège !

NICE TO KNOW : Lourd, oppressant mais pas trop car le son est cette fois plus léger (surtout au niveau de l'attaque des basses) que les deux précédents titres. Kevin semble peiner sur les mélodies vocales pourtant à portée de n'importe qui (Même Etienne Daho, si si !) mais le traitement du refrain inverse complètement la tendance. Beaucoup de mélancolie et d'amertume dans ce titre.

LUNAR : La quintessence de ce groupe. Un son Pink Floyd (Pensez-en ce que vous voudrez, pour moi il s'agit d'un compliment avant tout), des bruitages et dialogues tirés d'un vinyl craquelé (une habitude chez CK), une progression d'accords bouleversante de fragilité et de pureté. L'une des plages les plus délicieusement romantiques et nostalgiques d'un groupe qui en a pourtant fait sa spécialité...

WHEN YOU DRIVE : La rupture. Soit vous passez ce titre (Et la suite des autres) et You Go Now s'avère pour vous un chef-d'oeuvre, soit vous y êtes hermétique et vous serez à tout jamais bloqué à Dead Air, et encore en omettant Hell Mary....  When You Drive est un titre bizarre, mélange de ritournelles de gamines tibétaines trafiquées (les ritournelles, pas les gamines, voyons ! :o), de new age très Hawkwind et d'un bizarre vinyl de discours de relaxation parlant des vertus de laisser ses pensées vagabonder lorsque vous devez subir la lenteur d'un feu rouge... exotique et très introverti.

SUBWAY : Tube numéro deux, et ce malgré la débauche d'effets sonores sur la voix de Kevin et les dissonances. Une chanson presque "progressive" dans sa construction et sa recherche d'effets qui rappelle un peu les travaux de Robert Fripp (quels qu'ils soient).

PLEASE HANG UP : Petite musique de nuit au synthé rebondissant, honnêtement le titre le moins intéressant mais qui attire l'attention...

ASTRONAUT DOWN : Tube numéro trois. Imparable. Rythme groovy, lignes de basses irrésistibles, relancement de la machine permanent, plus un petit leitmotiv au synthé digne des meilleurs travaux de Tony Banks.

YOU GO NOW : Une fin apaisante, presque new age, une fois de plus c'est le côté organique qui transpire au travers de la composition minimaliste.

Pour conclure CK a encore fait un bond en avant et a peaufiné un son qui n'appartient qu'à lui au milieu du genre électro. Si vous aimez les longs textes chantés à la LaBrie, les déluges de notes, les titres interminables ou les grosses guitares, ce disque n'est pas pour vous; si en revanche le Kid A de Radiohead a fait votre bonheur, vous trouverez en You Go Now son digne petit frère.

Note : 8,5/10

Par Reg', Février 2001.

 

Année : 2000

Note moyenne : 8,5/10

Style : Electro